Fête de Saint Eutrope – Homélie de Mgr Georges Colomb

30 Avr 2017

Homélie donnée par Mgr Colomb en la cathédrale de Saintes le 30 avril 2017 pour la Saint Eutrope.

 
Chers frères, chères sœurs,
Les historiens sont partagés sur Saint Eutrope, premier évêque de Saintes. En le vénérant, en portant ses reliques en procession de la basilique jusqu’à la cathédrale Saint Pierre, le premier des apôtres du diocèse vient dans la cathédrale placée sous le patronage du premier des apôtres de l’Eglise universelle, l’apôtre Pierre.
Aujourd’hui, nous n’inventons rien, nous reprenons une tradition millénaire de la procession des reliques. Il faut remonter à l’après-guerre ou aux années 60 pour trouver trace de la dernière procession des reliques du saint martyr dans cette ville.
En nous réunissant tous ensemble, nous voulons d’une part, rappeler aux habitants de la Saintonge leurs racines chrétiennes, et nous voulons, d’autre part, entre frères et sœurs chrétiens, boire à la source de notre diocèse pour le renouveau spirituel, apostolique dont non seulement la Saintonge, mais aussi l’Aunis, autre belle province de l’ancienne France ont besoin.
Dans la lettre aux Théssaloniciens, Saint Paul nous parle des labeurs, des fatigues nécessaires pour l’annonce de l’Evangile et Saint Marc dans l’évangile nous rappelle cet envoi en mission de notre Seigneur : « Allez proclamer l’évangile » parce que, précise l’évangéliste, le salut nous est donné par la foi et la foi porte du fruit :

  • les apôtres chassent le mal
  • ils parlent en langues nouvelles. Ils renouvellent la vie, la qualité des relations entre les hommes par la beauté de la vie fraternelle dont ils donnent l’exemple
  • ils guérissent les malades

Soyons attentifs, chers frères et sœurs, aux appels de notre temps et nous pourrons répondre aux attentes de nos contemporains qui ne sont pas toujours exprimées de manière explicite, mais sont réelles :
Nos compatriotes sont déçus, notre pays est désenchanté. L’horizon est bouché à bien des égards et l’anxiété est présente parce que la vie spirituelle, la vie dans l’esprit n’est pas au programme de la société civile. L’homme n’est plus considéré comme une créature pardonnée et promise à la vie éternelle ! Il est vu comme un consommateur, un contribuable, un électeur et que sais-je encore, toujours exploitable !
C’est la mission des témoins du Christ, c’est notre mission, chers frères et sœurs baptisés en Christ, d’apporter aujourd’hui à nos cités, à notre diocèse, à nos frères chrétiens et à tous les autres aussi, l’espérance que Notre Seigneur nous a donnée au matin de Pâques.
Certes nous l’avons célébrée joyeusement et magnifiquement au cours de la liturgie pascale, mais Il nous appartient maintenant de vivre ce renouveau. Nous sommes les hommes de la Résurrection, nous avons l’éternité pour nous et nous voulons inviter nos frères, tous nos frères, surtout ceux qui doutent, ceux qui sont enfermés dans leurs souffrances, leur solitude, leur deuil, leur pauvreté ; nous voulons les inviter à marcher sur la route de la vie en homme de l’évangile, c’est-à-dire en homme debout ! C’est cela la vie digne de Dieu dont parle Saint Paul aux Chrétiens de Théssalonique.
Nous vénérons les martyrs des pontons de Rochefort, victimes de la violence révolutionnaire dans notre propre pays, victime du dévoiement de l’idée des lumières. Quand l’idéal devient idéologie, l’homme devient fou et les chrétiens, serviteurs de la vérité, en sont les premières victimes.
Quand l’homme se prend pour Dieu il devient fou et demande qu’un culte lui soit rendu. Saint Eutrope et ses frères martyrs de Rome sont les victimes du Césarisme.

Il convient de vénérer dans notre diocèse, non seulement nos frères aînés dans le sacerdoce, martyrs de la terreur, qui a fait de l’estuaire de la Charente le plus grand cimetière de prêtres du monde entier. Nous le ferons le 25 août, à l’île Madame, comme chaque année. Il convient aussi de vénérer de nouveau et nous le ferons désormais chaque année, Saint Eutrope, le symbole de la première évangélisation en Saintonge parce que c’est un saint pour notre époque ! Oui chers frères et sœurs, notre Eglise doit vivre une nouvelle évangélisation en Saintonge et dans tout le diocèse auprès d’une grande partie de la population de la Charente Maritime et tout spécialement auprès des jeunes.

Permettez-moi de souligner trois points :

  • 1. Où trouver la source et la force de cette nouvelle évangélisation ici et maintenant ?
  • 2. Faisons le choix d’une Eglise en croissance
  • 3. Comment vivre concrètement cette évangélisation ?

1. Où trouver la source et la force de cette nouvelle évangélisation ici et maintenant ?     

  • a) Dans l’enracinement spirituel de chaque baptisé. Que chacun pense à son baptême, que chacun en renouvelle les promesses. Que des intuitions apostoliques, caritatives inspirent votre action pour aller à la rencontre de vos voisins, de vos concitoyens.
  • b) Dans l’approfondissement ou la redécouverte par les prêtres de la dimension apostolique de leur ministère parce qu’ils ne sont pas seulement les gérants, les intendants d’une communauté dont ils auraient pour mission d’assurer seulement la bonne organisation, le bon fonctionnement, ils sont les intendants des mystères de Dieu pour tous, y compris pour nos frères qui ne sont pas encore baptisés, qui n’ont pas rencontré notre Seigneur, qui ne l’ont pas accueilli dans leur cœur. Cette redécouverte, cet approfondissement de la dimension apostolique du ministère est une condition sine qua non de la vie de notre Eglise, de la vitalité de nos communautés.

Cela doit se faire autour du thème de la conversion pastorale dont nous parle le Pape François dans Evangelii Gandium (25-33 : « Ce n’est pas d’une simple administration dont nous avons besoin. Constituons-nous dans toutes les régions de la terre en un état permanent de mission » et au sujet de la paroisse, le Pape écrit : « J’imagine un choix missionnaire capable de transformer toute chose, afin que les habitudes, les styles, les horaires, le langage et toute structure ecclésiale deviennent un canal adéquat pour l’évangélisation du monde actuel, plus que pour l’auto – préservation. La réforme des structures, qui exige la conversion pastorale, ne peut se comprendre qu’en ce sens : faire en sorte qu’elles deviennent toutes plus missionnaires, que la pastorale ordinaire en toutes ses instances soit plus expansive et ouverte, qu’elle mette les agents pastoraux en constante attitude de “sortie” ».

Chers amis, dans une famille, la fille aînée a-t-elle peur ? La France n’est-elle pas la fille aînée de l’Eglise ? il est grand temps de dépasser nos peurs :

– face à notre identité
– face à notre image
– face à l’avenir
– face au pêché
 

  • Face à notre identité: il faut cesser de rougir du Christ !Allons-nous accepter une laïcité dévoyée qui nous ferait mettre le crucifix dans nos poches ? Allons-nous nous laisser intimider par la culture consumériste, par le matérialisme et l’individualisme (les deux vont de pair) ? Allons-nous rester passifs dans notre société qui ne propose aucune espérance ? Nos frères chrétiens en Egypte visités par le saint-Père ne nous donnent-ils pas l’exemple du courage et de la fidélité ?
  • Face à notre image : bien souvent, sans l’avouer, nous nous posons la question : « Que va-t-on penser de moi si je m’affiche chrétien ? » Parce que nous entendons des slogans selon lesquels la foi chrétienne serait une affaire privée, à ne pas montrer, à ne pas manifester en public !

Sommes-nous dépendants du regard des autres ? N’oubliez pas que vous êtes le sel de la terre et que le sel ne doit pas s’affadir. Quand c’est le cas, il n’est plus bon à rien. Ne soyons pas des bons à rien !

  • Face à l’avenir: posons-nous cette question, surtout vous chers jeunes qui êtes à l’âge des grandes décisions, celles qui orientent la vie ! Avons-nous donné notre vie au Christ ? Ai-je donné ma vie au Christ ? Ai-je une ambition pour ce monde, pour mon diocèse, pour l’Eglise Universelle ? Suis-je prêt à me donner pour l’Eglise, pour la mission, c’est-à-dire pour le Christ ? Est-ce que j’aime l’Eglise du Christ ? Nous avons la vie éternelle devant nous ! Rien ne nous arrêtera, nous le croyons, mais pouvons-nous garder pour nous seulement ce trésor de sagesse si précieux pour notre vie chaque jour ?
  • Face au péché qui nous accuse, nous culpabilise, nous anesthésie, nous enferme sur nous-mêmes. Face à ce péché qui peut nous rendre semblable à lui, c’est-à-dire critique, rigide, sans pitié, sans demander le pardon de Dieu, face au péché, le Seigneur m’ouvre ses bras pour libérer mon esprit, me donner sa miséricorde pour que je sois miséricordieux à mon tour. Il supprime ce péché qui m’enferme sur moi-même et dans mon passé. Il m’offre la liberté, la vraie liberté et la paix intérieure et personne ne pourra me voler cette liberté et cette paix !

2.  Faisons le choix d’une Eglise en croissance
Saint Marc nous le rappelle, Saint Matthieu aussi dans la finale de l’évangile «Allez proclamer l’évangile à toute la terre jusqu’à la fin du monde».
Nous ne sommes pas là pour gérer la décroissance, le repli. Nous ne sommes pas les derniers des mohicans ! Nous ne sommes pas envoyés pour fermer des églises, fermer des paroisses. Il convient de nous interroger : lorsque nous fusionnons des paroisses, que cherchons-nous ? Cherchons-nous à nous rassurer sur notre petit nombre ou bien voulons-nous grouper, rassembler nos énergies pour un redéploiement nouveau, pour une croissance de l’Eglise ? La vie appelle la vie, les jeunes prêtres appellent les jeunes vocations sacerdotales, les jeunes religieux appellent les jeunes vocations religieuses, et nous en avons grandement besoin. Nous ne pourrons pas durablement jouer au jeu des chaises musicales chaque fois que nous préparons la nomination des prêtres pour la rentrée de septembre !
Il faut soutenir et donner de l’assurance aux petits groupes ecclésiaux pour qu’ils se développent en sortant d’eux-mêmes, en étant missionnaires. D’où l’invitation à constituer des fraternités missionnaires dans le diocèse. Plus nos frères laïques seront nombreux à se donner sans compter pour la mission, mieux ce sera pour notre Eglise !
Il est nécessaire d’adapter nos structures et notre organisation à la mission ! Ce n’est pas l’inverse qu’il faut faire, ce ne sont pas les appels de la mission qui doivent correspondre à nos habitudes, nos coutumes, avec le « on a toujours fait comme cela ». Nous n’avons aucun droit acquis, nous avons des devoirs parce que nous sommes des serviteurs et rien d’autres. Nous recevons un mandat dans l’Eglise et nous devons nous sacrifier pour elle et c’est cela qui glorifie Dieu, rien d’autre !
3. Comment vivre concrètement cette évangélisation ?
Evangeli Gaudium n° 24 nous donne quelques pistes :

  • prendre des initiatives
  • s’impliquer
  • accompagner
  • porter du fruit
  • fêter, célébrer

Voici ce qu’écrit le Pape :
« L’Église “en sortie” est la communauté des disciples missionnaires qui prennent l’initiative, qui s’impliquent, qui accompagnent, qui fructifient et qui fêtent. »
« Le disciple sait offrir sa vie entière et la jouer jusqu’au martyre comme témoignage de Jésus-Christ »
« L’évangélisation joyeuse se fait beauté dans la liturgie, dans l’exigence quotidienne de faire progresser le bien. L’Église évangélise et s’évangélise elle-même par la beauté de la liturgie, laquelle est aussi célébration de l’activité évangélisatrice et source d’une impulsion renouvelée à se donner ».
Chers amis, que chacun d’entre vous, prêtres, diacres permanents, religieuses, laïques nommés, veuille bien se remettre en question. Les appels de notre Pape au renouveau, ses invitations à mouiller notre chemise, ne concernent pas seulement les cardinaux et la curie romaine. Ils nous concernent tous ici présents, en commençant par moi-même. Le pire des maux pour le clergé, c’est l’embourgeoisement, le pire des maux pour les laïcs en mission, c’est de penser à leurs prétendus droits et non à leurs devoirs ! Les bonnes journées sont des journées sans calcul pour son petit confort, ce sont les journées où l’on s’endort fatigué !
En cette fête de Saint Eutrope méditons sur les fatigues et le labeur de l’apôtre Paul et conduisons-nous comme un père pour ses enfants. Bonne fête et bonne mission, soyez les joyeux évangélisateurs dont notre diocèse a besoin aujourd’hui et demain !
+ Georges Colomb
 

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