Homélies de Noël 2019

Dimanche 5 janvier 2020 – Épiphanie de Notre Seigneur

Mercredi 1er janvier 2020 – Solennité de la Marie, Mère de Dieu

Dimanche 29 décembre 2019 – Dimanche de la Sainte Famille (année A)

Mercredi 25 décembre 2019 – Jour de Noël (année A)

Mardi 24 décembre 2019 – Fête de la Nativité de Notre Seigneur (année A)

Dimanche 22 décembre 2019 – 4ème dimanche de l’Avent (année A)

Dimanche 15 décembre 2019 – 3éme dimanche de l’Avent (année A)

Lundi 9 décembre 2019 – Fête de l’Immaculée Conception

Dimanche 8 décembre 2019 – 2ème dimanche de l’Avent (année A)

Dimanche 1er décembre 2019 – 1er dimanche de l’Avent (année A)

Dimanche 24 novembre 2019 – Fête du Christ Roi (année C)

Dimanche 24 novembre – Fête du Christ Roi –

LE CHRIST EST ROI
   Si le dimanche passé nous évoquions la fin de ce monde et le retour de notre Seigneur, la fête d’aujourd’hui clôture l’année liturgique en nous rappelant que Jésus Christ est le Roi de l’Univers: Roi des rois et Seigneur des seigneurs. Il en est ainsi car Il est le Verbe par qui tout a été créé, car Il est aussi tête de l’humanité –premier né de toute la création- et parce qu’Il nous a rachetés par son sang et donc nous Lui appartenons. Sa royauté, qu’on célébrait déjà en Pâque ou pour l’Ascension, assume ici un caractère récapitulatif de toute l’histoire du monde. Je me suis proposé ce dimanche de réfléchir avec vous sur trois points :
1- Sur l’originalité de la royauté du Christ ;
2 – Sur le sens de la fête du Christ-Roi ;
3 – Sur le sens chrétien de la laïcité.
1) La royauté du Christ
À propos de la royauté du Christ, l’évangile de St Jean nous livre un étrange dialogue entre Pilate et Jésus. Pilate demande : «Es-tu roi?» Et Jésus ne répond pas. Pilate insiste : «Donc, es-tu roi ?». Alors Jésus répond : «Tu le dis». Et ensuite Il ajoute: «mon royaume pourtant n’est pas de ce monde ; Je ne suis né et je ne suis venu que pour rendre témoignage à la vérité».

Une royauté vraiment déconcertante : une couronne d’épines plantée dans la tête, un sceptre de roseau greffé à la main et le pourpre d’un manteau jeté sur la chair meurtrie. Voilà les insignes dérisoires de cette royauté déroutante où l’homme ainsi vêtu est à la foi roi et royaume … C’est ce que le bon larron crucifié à côté de Jésus a compris; il ne demande pas d’être détaché de la croix; il demande de faire partie du Royaume : «Jésus, souviens-Toi de moi quand Tu viendras dans ton Royaume». Il s’agit d’un royaume qui n’est pas un concept, une doctrine ou un projet politique à mettre en œuvre ; il est avant tout une Personne qui a le visage et le nom de Jésus de Nazareth : «Aujourd’hui tu seras avec Moi au paradis».

    Or, ce royaume s’inaugure dans le cœur de l’homme ; c’est là que le Christ veut d’abord régner. Il nous faut donc lâcher les rênes du pouvoir sur notre vie pour laisser au Christ-Roi la gouvernance de nos existences: «Convertissez-vous car le royaume de Dieu est tout proche». Le bonheur est à ce prix ! Grâce à cette conversion, le Christ peut alors établir son règne sur l’intelligence humaine, parce qu’Il est la Vérité qui rend libre. Mais le Christ règnera aussi par sa charité qui entraîne nos volontés dans la logique du don de soi. En fin, ressuscité et glorieux, Jésus manifeste le caractère universel de sa royauté : «Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre». Par conséquent, cette royauté aura nécessairement des effets socio-politiques.

2) Le sens de la fête du Christ-Roi

À son origine, l’institution de la fête de Christ Roi (11/12/1925) visait à prévenir et limiter les désastres que le refus grandissant de Dieu pouvait produire dans la vie des peuples. Elle a été une réaction face à l’apostasie officielle des États occidentaux et à la négation des droits de Dieu sur la société humaine, qui allaient aboutir aux différents totalitarismes du siècle dernier, comme le bolchevisme et le nazisme. Dans un temps troublé de l’histoire, le Pape Pie XI déclarait : «Si les hommes venaient à reconnaître l’autorité royale du Christ dans leur vie privée et dans la vie publique, des bienfaits à peine croyables -une juste liberté, l’ordre et la tranquillité, la concorde et la paix- se répandraient infailliblement sur la société toute entière».  

L’histoire récente témoigne tristement ce que devient l’homme quand il s’éloigne de Dieu : “Un monde où Dieu n’existe pas devient de toute façon un monde où règne l’arbitraire et l’égoïsme” a dit Benoît XVI. L’explication est simple, comme l’avait bien vu Dostoïevski : «Si Dieu n’existe pas, tout est permis» ;  hypothèse que J-P Sartre, A. Camus et les philosophes du désespoir assumeront comme une évidence, affirmant que Dieu n’existe pas et que rien n’a plus de sens. Beaucoup des maladies du monde moderne comme l’anxiété, l’angoisse ou la dépression, s’enracine dans ces idées.
L’Église aujourd’hui ne s’attend plus des états une collaboration comme aux temps de la chrétienté où les rois chrétiens favorisaient positivement sa mission. Elle se réjouit plutôt de sa liberté retrouvée vis-à-vis des états et pouvoirs temporels, et revendique cette liberté afin d’accomplir partout sa mission évangélisatrice.

Cette distinction entre le pouvoir temporel et spirituel est déjà consacrée par Jésus lui-même, qui n’a pas voulu exercer un pouvoir terrestre et qui a commandé de rendre ‘à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu’ (Mt 22,21). Comme nous voyons, la laïcité entendue comme une légitime autonomie de l’ordre temporel (et non pas le laïcisme anti-religieux) est bien plus vieille que la révolution française ou que la loi de 1905 concernant la séparation des Églises de l’État français !

Cette distinction pourtant est loin de signifier que la foi doive se réduire à une affaire privée ou qu’elle n’ait des implications dans la vie des peuples ou dans l’organisation de la société. Au contraire, selon l’Évangile, les chrétiens doivent être lumière du monde et sel de la terre.
3) Le sens chrétien de la laïcité
Une saine laïcité implique la distinction et le mutuel respect de l’ordre temporel et de l’ordre spirituel. Dans ce sens, l’Église en tant que telle n’est pas un agent politique direct, son rôle n’est pas de gérer les affaires du monde, mais par sa mission universelle, Elle exerce toujours son rôle éducateur, Elle essaie d’illuminer les consciences, Elle se doit de dénoncer aussi quand les lois ou les pouvoirs portent atteinte à la dignité de l’homme. Nous en avons dans l’actualité des exemples très clairs, quand le Magistère de l’Église intervient face à une crise pour rappeler que l’économie doit être au service des hommes ; ou que les racines d’une telle crise se trouvent dans un système déshumanisé et injuste ; ou quand Elle rappelle la responsabilité des gouvernants de trouver des solutions, telle qu’une meilleure distribution de la richesse. Ou bien, pour donner un exemple de nos jours, la constante défense de la valeur de la vie humaine depuis la conception jusqu’à sa fin naturelle.
     L’action directe dans les affaires du monde (politiques, économiques, sociales, éducatives, sanitaires, etc.) est le domaine propre aux laïcs. Dans ce sens la fête du Christ Roi rappel aux baptisés leur rôle dans la société, à savoir, la transformation du monde en suivant les valeurs de l’évangile; voilà leur tâche. Chaque laïc se doit d’être compétent et de faire rendre ses talents là où le Seigneur l’appelle, qu’il soit étudiant ou professeur, employé ou banquier, ingénieur, sportif où mère de famille. Il est très opportun d’évoquer ici que la sanctification personnelle suppose de bien s’acquitter de son devoir d’état. Comme le Christ cependant, dont le royaume n’est pas de ce monde, le laïc sait d’être dans le monde sans être du monde, et mène sa vie terrestre les yeux fixés dans le ciel. En cherchant d’abord le royaume de Dieu et sa justice, le chrétien agit dans le monde comme la levure dans la pâte, comme une semence dans la terre, transformant et élevant le monde. Reste inégalable la description de l’Épitre à Diognète, à la fin du IIème siècle :
«Les chrétiens ne se distinguent des autres hommes ni par le pays, ni par le langage, ni par les vêtements. Ils n’habitent pas de villes qui leur soient propres, ils ne se servent pas de quelque dialecte extraordinaire, leur genre de vie n’a rien de singulier… Ils se répartissent dans les cités grecques et barbares (…), ils se conforment aux usages locaux pour les vêtements, la nourriture et la manière de vivre, tout en manifestant les lois extraordinaires et vraiment paradoxales de leur république spirituelle: ils résident chacun dans sa propre patrie, mais comme des étrangers domiciliés (…) Toute terre étrangère leur est une patrie et toute patrie une terre étrangère. Ils se marient comme tout le monde, ils ont des enfants, mais ils n’abandonnent pas leurs nouveau-nés. Ils partagent tous la même table, mais non la même couche. Ils sont dans la chair, mais ne vivent pas selon la chair. Ils passent leur vie sur la terre, mais sont citoyens du ciel. Ils obéissent aux lois établies et leur manière de vivre l’emporte en perfection sur les lois »
Tout cela ne manque évidemment de susciter des contradictions mais il faut se souvenir que «le disciple n’est pas au-dessus du maître :
«En un mot, ce que l’âme est dans le corps, les chrétiens le sont dans le monde (…) La chair déteste l’âme et lui fait la guerre sans en avoir reçu de tort, parce qu’elle l’empêche de jouir des plaisirs; de même le monde déteste les chrétiens qui ne lui font aucun tort, parce qu’ils s’opposent à ses plaisirs (…)»
Chers frères, l’Église est déjà le règne de Dieu mystérieusement présent dans ce monde. En communiquant aux hommes la vie divine, Elle étend le règne du Christ sur la Terre comme il est au Ciel. Le centre névralgique de ce royaume c’est l’Eucharistie. Là, le cœur du Christ-Roi palpite et palpitera jusqu’au jour où Jésus remettra toute royauté à son Père. Alors, dit St Paul, «Dieu sera tout en tous». Dans l’Eucharistie, le Christ-Roi siège en son trône de miséricorde en attendant de nous conduire devant son trône de gloire à fin d’entrer pleinement dans un règne de paix et de justice, de louange et de gloire qui n’a pas de fin. Renouvelons notre joie et la conscience de notre mission : que par nos vies le monde puisse reconnaître que depuis l’Incarnation du Fils de Dieu le royaume de Dieu est déjà au milieu de nous.